Bonjour à toutes et tous .

Commandant et chef mécanicien en retraite depuis 2015 , j’ai navigué essentiellement chez SNCM , maintenant Corsica Linea et j’ai quelques idées sur la pollution des navires de commerce.

Je suis sensible à tout ce qui se voit bien sûr , fumées , particules fines etc etc ; mais surtout j’aimerais sensibiliser à ce qui ne se voit pas : les vapeurs d’hydrocarbures générées par les dégagements d’air de toutes les soutes à combustibles des navires.

En effet le fuel lourd est en permanence réchauffé à des températures diverse pour être utilisé dans les moteurs de propulsion et les groupes électrogènes , et , comme tout liquide chauffé il s’en dégage des vapeurs en grandes quantités ET directement dans l’atmosphère et donc l’air que nous respirons !!!

Je vous transmets ci dessous un petit résumé détaillant le cheminement du combustible sur les navires .

1° Le combustible HFO est embarqué dans les soutes vides à une température de 60°c environ pour faciliter son pompage , ces soutes sont en double fond du navire.

2° Il est ensuite transféré en partie dans une caisse dite de “décantation” dans laquelle il est réchauffé à 90°c , cette caisse est située dans le compartiment machine.

3°Le combustible de la “décantation” est ensuite transféré vers une caisse dite “journalière” par l’intermédiaire d’un séparateur ( centrifugeuse ) chargé d’épurer ET réchauffer ce combustible aux environs de 100 °c , donc la ou les caisses journalières sont à une température de 100°c environ.

4° Le module “préparation combustible” ( ce sont des pompes de pressurisation , de gavage et bouteilles de dégazage ) aspire dans la caisse journalière à 100°c pour élever sa température et sa pression avant injection dans le moteur aux environs de130° c.

5° Le combustible est injecté dans le ( les moteurs ) et ressort en fumées.

– Reprenons le début des opérations sur le FUEL LOURD :

1°Lors de l’avitaillement , les soutes sont vides de liquides , il n’y a que des gaz , des vapeurs de combustibles , il est donc clair que si vous avitaillez 1000 m3 de HFO vous dégazez dans l’atmosphère 1000 m3 de vapeurs hautement toxiques via les dégagements d’air ( en rouge sur le schéma ) ( le combustible remplace l’air vicié de la soute ) !!

2°Une fois embarqué , le combustible des soutes est maintenu en température ( par les chaudières et la vapeur ) à 60/70°c pour être transféré vers la ( ou les ) caisse de décantation et donc celles-ci dégazent allégrement EN PERMANENCE dans l’atmosphère via leurs dégagements d’air , en rouge sur mon schéma (en effet tout liquide chauffé produit des vapeurs ).

3°Dans la “décantation” , le combustible est séparé de son eau et réchauffé à 90°c , donc les vapeurs augmentent !

4° Dans la “journalière” , idem que ci dessus mais à 100°c !!

5° Le combustible utilisé en grande partie ressort sous forme de fumées .

– Pour ce qui est du gazole ( ou DML ) , celui ci n’est pas réchauffé mais il est de part la proximité des soutes HFO et de son parcours vers le compartiment machine à 60°c environ et dégage aussi des vapeurs de combustibles qui suivent le même parcours que les vapeurs de HFO , c’est à dire rejet SANS AUCUN TRAITEMENT dans l’atmosphère tout en haut de la cheminée .
Par expérience , pour être monté souvent en haut des cheminées , je peux vous certifier que ces vapeurs se voient à l’œil nu , que les dépôts gras en haut des cheminées attestent bien la réalité du dégazage !!!

– Autre chose : l’huile moteur ( fluide cancérigène lui aussi ! ) est elle aussi à une température de 80 / 90° c et donc les ballasts retour huile des moteurs dégazent aussi allègrement à l’air libre via le même chemin que les soutes combustibles !!

Vous noterez que nos voitures ré-aspirent les vapeurs d’huile du carter via un reniflard , il n’est en effet pas question de suivre les voitures à la trace de leurs vapeurs d’huile moteur répandues sur la chaussée !!! Pourquoi les moteurs marins ne ré-aspirent-ils pas leurs vapeurs d’huile ??? .

Espérant avoir été suffisamment clair , bonne lecture !! .