Trois ans après la reprise de la SNCM, Comment se porte Corsica Linea ?

Pierre-Antoine Villanova : Nous avons enfin fini notre phase de restructuration. Les fondations sont posées et elles sont solides. La preuve en est la croissance continue de notre chiffre d’affaires. En 2016, il était à 170 millions d’euros. Il est passé à 200 millions en 2017 et l’an dernier, on a encore progressé 10% pour atteindre les 220 millions d’euros. Nous sommes devenus une entreprise normale qui fonctionne bien avec un résultat net positif de 10 millions d’euros. Pour autant, nous avons encore des efforts à faire. Les actionnaires de la compagnie ne toucheront donc aucun dividende sur les cinq prochaines années. Ils ont naturellement accepté car leur volonté est, depuis le départ, d’assurer une liaison de qualité entre la Corse et le continent, pas de se faire de l’argent.

Vous avez réussi à récupérer des parts de marché sur le transport de passager vers la Corse ?

P-A. V. : Oui, nous sommes passés de 10% à 14% de parts de marché sur trois ans en misant sur la qualité du service. Il faut proposer une expérience de haut niveau aux voyageurs. Aujourd’hui, quand on fait des sondages auprès des passagers, il en ressort qu’ils sont très satisfaits du service à bord. Ils sont rassurés par le sérieux de la compagnie et la réputation de Corsica Linea est aujourd’hui bien meilleure que ce qu’à pu être celle de la SNCM il y a quelques années. On s’est inspiré de ce qui se fait de mieux dans le métier comme les compagnies scandinaves souvent citées en exemple. Et je ne peux pas vous en dire plus pour le moment mais on réalise actuellement des tests sur l’expérience client qui donneront naissance à de nouveaux services très innovants. Je ne crois pas au modèle low-cost. On ne veux pas être les plus gros ou les plus riches, on veut être la compagnie la plus moderne ! On s’adresse à une clientèle de milieu de gamme qui préfèrera payer un peu plus cher ses billets mais profitera d’une meilleure qualité de service et naviguera avec une entreprise qui porte aussi des valeurs. Je crois très vraiment qu’un engagement sociétal permet d’attirer des clients de plus en plus soucieux des choix de l’entreprise.

Comment se traduit cet engagement sociétal que vous prônez ?

P-A. V. Tout d’abord, nous sommes très attachés au pavillon français et nous ne travaillons qu’avec des marins français. Nous sommes le deuxième employeur de marins français du pays et le premier en Méditerranée, c’est une grande fierté pour moi. Pourtant, ça coute trois fois plus cher que salarier des marins italiens. Ensuite, on veut développer la filière maritime en Corse. On a signé des partenariats avec le lycée professionnel de Bastia pour former des marins sur place. On leur fournit des simulateurs pour former les jeunes. En février, on a également signé un partenariat avec l’école nationale supérieure du maritime (ENSM) pour ouvrir la possibilité de passer le concours en Corse. Cette grande première devrait être possible dès 2020. Après, on essaie autant que possible de favoriser la sous-traitance locale pour les aider à se développer. Mais certaines entreprises corses ou marseillaises doivent encore grandir pour pouvoir être compétitives sur les prix. Enfin, nous avons un gros chantier à mener pour réduire notre impact environnemental.

Quels investissements avez-vous prévu pour rendre votre activité moins polluante ?

P-A. V. On investit 5 millions d’euros pour l’électrification à quai de nos navires (dont la moitié pris en charge par la Région, l’Ademe et le Grand port Maritime de Marseille, NDLR). On vient de signer la convention d’occupation pour l’utilisation de la potence sur le quai à Marseille et on attend la contre-signature de La Méridionale. Le Paglia Orba a déjà été équipé du système de connexion électriques des navires à quai (Cenaq). Le Pascal Paoli et le Jean Nicoli entreront en arrêt technique en décembre et janvier prochain pour être à leur tour équipé. Ce chantier sera aussi l’occasion d’installer des scrubbers sur ces trois navires. Nous avons commandé les scrubbers à la société Ecospray qui travaille déjà avec MSC et Grimaldi. Cet investissement s’élève à 25 millions d’euros pour une installation finalisée au premier trimestre 2020. Le troisième point est notre ambition d’acheter un navire neuf propulsé au gaz naturel liquéfié (GNL) dans le courant de l’année. Et elle est confirmée car nous venons de boucler le montage financier avec un crédit bail avec nos partenaires bancaires. Un navire au GNL coûte environ 150 millions d’euros et nous le financerons à 80 % avec ce prêt. Nous sommes actuellement en phase de négociations avec plusieurs chantiers européens pour lancer la construction avant la fin de l’année. La livraison est attendue pour deux à trois ans plus tard.

Vous avez été retenus sur cinq lots pour répondre à la délégation de service public de desserte entre Marseille et la Corse, contre seulement trois pour La Méridionale. Connaissez-vous la date de sélection finale ?

P-A. V. Nous avons remis notre offre finalisée sur l’ensemble des lignes au début du mois à l’office des transports de la Corse. Nous n’avons pas plus d’informations. Je sais seulement que la prochaine assemblée de Corse se déroule à la fin du mois de juin, peut-être aurons-nous plus d’informations à cette occasion.